Immobilier locatif : ce que pourrait changer le futur statut du bailleur privé dès 2026

Face à une pénurie historique de logements et à un marché locatif privé en net recul, le gouvernement se prépare à lancer une réforme ambitieuse : un véritable statut fiscal pour les bailleurs privés. Une réponse attendue de longue date par les propriétaires, les professionnels de l’immobilier et les élus, alors que la crise du logement frappe de plein fouet les grandes métropoles françaises.

Une crise locative à son paroxysme

Étudiants, jeunes actifs, familles monoparentales… nombreux sont les ménages à la recherche d’un logement, et de moins en moins nombreux sont les biens disponibles. La contraction du parc locatif privé s’accélère, alimentée par une fiscalité jugée trop lourde et un environnement réglementaire de plus en plus contraignant.

Les chiffres sont sans appel. Selon les données du SDES, seulement 329 200 logements ont été autorisés à la construction en 2024, et 284 800 mises en chantier ont été enregistrées. C’est 30 % de moins que la moyenne observée avant la crise sanitaire. Un effondrement confirmé également dans l’ancien : environ 845 000 transactions ont été enregistrées en 2024, soit le plus bas niveau depuis 2015. En comparaison, 1,25 million de transactions avaient été comptabilisées en 2021.

Les investisseurs privés se retirent : une désaffection massive

La désaffection du parc locatif privé se confirme sur le terrain. Selon un sondage mené en 2023 par la FNAIM auprès de ses adhérents, le nombre de biens mis en location a chuté de 34 % en un an. En cause : une rentabilité locative qui s’effrite, des charges en hausse, et des incertitudes fiscales croissantes.

Encadrement des loyers, flambée de la taxe foncière, interdiction de louer des passoires thermiques, disparition du dispositif Pinel… Autant de signaux qui ont incité de nombreux petits propriétaires à tourner le dos à l’investissement locatif. Pourtant, ces bailleurs jouent un rôle clé dans l’équilibre du parc immobilier français : ils représentent la majorité des logements loués, avec une prédominance marquée de la location nue.

Vers la création d’un statut de bailleur privé pour relancer l’investissement locatif ?

Face à l’urgence, Valérie Létard, ministre du Logement, a confié au sénateur Marc-Philippe Daubresse (LR) et au député Mickaël Cosson (MoDem) une mission parlementaire sur le statut du bailleur privé. Leurs conclusions, rendues le 30 juin dans le rapport au gouvernement « Pour une relance durable de l’investissement locatif », posent les bases d’un dispositif « structurant » capable de redynamiser l’investissement locatif.

L’objectif ? Instaurer un cadre fiscal clair, incitatif et stable, en particulier pour la location nue longue durée, qui représente encore 70 % des baux signés en France. Si le gouvernement suit les recommandations du rapport, ce nouveau statut pourrait s’appliquer dès le 1er décembre 2025, pour les biens nouvellement acquis.

« Nous avons le sentiment d’avoir été écoutés », confie Zahir Keenoo, président de Foncia Administration de biens, qui salue une réforme attendue « de longue date » par les acteurs de terrain.

Un amortissement fiscal inédit pour la location nue

5 % dans le neuf, 4 % dans l’ancien avec travaux

Jusqu’ici réservé à la location meublée, l’amortissement fiscal serait enfin accessible à la location nue, à condition que le bien soit acquis après le 1er décembre 2025 et mis en location longue durée. L’amortissement porterait sur 80 % de la valeur du bien (hors foncier) :

  • 5 % par an dans le neuf sur 20 ans, une durée « cohérente avec la préparation de la retraite d’un particulier » ;
  • 4 % dans l’ancien, à condition d’engager des travaux représentant 15 % de la valeur du bien.

Bonus pour loyers modérés

Le dispositif intègre également un bonus d’amortissement supplémentaire, en fonction du niveau de modération du loyer pratiqué :

  • +0,5 % pour un loyer intermédiaire,
  • +1 % pour un loyer social,
  • +1,5 % pour un loyer très social.

Autrement dit, plus le bailleur loue en dessous du prix du marché, plus l’amortissement annuel est élevé.

Le statut prévoirait également une réforme du micro-foncier avec un abattement rehaussé à 50 %, et un plafond de revenus porté à 30 000 €. Le déficit foncier pourrait lui aussi être dynamisé : le plafond d’imputation passerait à 40 000 € par an, contre 10 700 € actuellement. Les parlementaires suggèrent aussi d’exclure les biens loués de l’assiette de l’Impôt sur la fortune immobilière, et de ramener l’exonération de la plus-value à 20 ans de détention.

Une réforme qui pourrait relancer l’offre et soutenir l’économie

Une montée en puissance progressive jusqu’en 2030

Selon les projections avancées dans le rapport, le statut du bailleur privé pourrait permettre la création de 90 000 logements locatifs supplémentaires chaque année d’ici 2030. Une partie proviendrait du neuf, une autre de l’ancien rénové, et un complément via des dispositifs d’accession sociale.

Des retombées fiscales et sociales attendues

La dynamique créée par la rénovation et la remise en location de logements pourrait générer environ 100 000 emplois dans les filières du BTP, de la gestion immobilière et des services. Sur le plan budgétaire, la réforme serait considérée comme auto-financée : le rapport estime qu’elle pourrait rapporter 500 millions d’euros dès 2026, puis jusqu’à 1,9 milliard d’euros par an à partir de 2027.

Une entrée en vigueur possible dès décembre 2025

Si la réforme aboutit, le statut du bailleur privé pourrait s’appliquer aux baux signés à partir du 1er décembre 2025. Pour éviter tout effet d’aubaine, seuls les biens nouvellement acquis ou transmis après cette date seraient concernés. Une saisine du Conseil d’État est également envisagée pour sécuriser juridiquement l’ensemble du dispositif. Il reste désormais à inscrire cette ambition dans la loi de finances 2026 et à convaincre les investisseurs de revenir sur un marché qu’ils ont, pour beaucoup, déjà déserté.

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